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Quand Pékin prend le volant; La domination et révolution de la Chine dans l’industrie automobile


« hyperpuissance automobile chinoise »

Depuis le tournant du XXIe siècle, la Chine s’est imposée comme un acteur incontournable de l’industrie automobile mondiale, passant d’un marché émergent à une superpuissance qui redéfinit les règles du jeu. Cette ascension fulgurante, marquée par une stratégie industrielle audacieuse, des investissements massifs et une vision à long terme, a transformé l’Empire du Milieu en leader incontesté, notamment dans le domaine des véhicules électriques (VE) et des technologies embarquées. Alors que le Salon de Shanghai 2025 s’ouvre, célébrant ce que Le Monde qualifie d’« hyperpuissance automobile chinoise », il est temps d’analyser en profondeur les mécanismes, les dynamiques et les implications de cette domination. Cet article explore les facteurs clés de cette réussite, les défis qu’elle pose aux constructeurs occidentaux, et les enjeux géopolitiques et environnementaux qui en découlent.


Une Ascension Historique: De l’Apprentissage à la Domination


1. Les Fondations : Une Industrie Bâtie sur les Joint-Ventures


L’histoire de l’industrie automobile chinoise commence dans les années 1980, lorsque la Chine, sous l’impulsion des réformes économiques de Deng Xiaoping, ouvre son marché aux investisseurs étrangers. Pour développer une industrie automobile nationale, Pékin impose des joint-ventures (coentreprises) aux constructeurs étrangers, obligeant des géants comme Volkswagen, General Motors, Toyota ou Nissan à s’associer avec des partenaires chinois, souvent des entreprises d’État. Ces coentreprises, détenues à plus de 50 % par des capitaux chinois, permettent un transfert massif de technologies et de savoir-faire. Volkswagen, par exemple, devient le pionnier en s’installant dès 1984 avec SAIC, capturant une part significative du marché chinois.


Pendant des décennies, ces joint-ventures dominent le marché intérieur, qui devient le plus grand au monde en 2009 avec 13,6 millions de véhicules vendus, surpassant les États-Unis. Les constructeurs étrangers profitent de marges confortables, tandis que les fabricants chinois, comme BYD, Geely ou Chery, apprennent en coulisses. Cette période d’apprentissage est cruciale : les entreprises chinoises absorbent les standards de production, les processus d’assemblage et les technologies des moteurs thermiques, tout en développant leurs propres capacités.


2. Le Tournant Électrique : Une Vision Stratégique dès les Années 2000


Alors que les constructeurs occidentaux se concentrent sur les véhicules thermiques, la Chine anticipe la transition énergétique dès le début des années 2000. Consciente de sa dépendance au pétrole importé et des défis environnementaux liés à la pollution urbaine, Pékin lance une stratégie ambitieuse pour dominer le marché des véhicules à énergies nouvelles (VEN), incluant les véhicules électriques, hybrides et à pile à combustible. Cette vision repose sur trois piliers : des subventions massives, une politique industrielle volontariste et un contrôle de la chaîne de valeur des batteries.


Entre 2009 et 2023, le gouvernement chinois injecte environ 231 milliards de dollars en subventions pour stimuler la production et la vente de VEN. Ces aides financières, combinées à des incitations fiscales pour les consommateurs et des restrictions sur les véhicules thermiques dans les grandes villes, dopent la demande intérieure. En 2023, 38 % des voitures vendues en Chine sont électriques, contre 22 % en Europe et 9,5 % aux États-Unis. Cette avance est illustrée par l’ascension fulgurante de BYD (Build Your Dreams), qui, fondé en 1995 comme fabricant de batteries, devient en 2023 le leader mondial des ventes de véhicules électriques, dépassant Tesla au quatrième trimestre.


3. De l’Usine du Monde à l’Exportateur Dominant


Longtemps cantonnée à son marché intérieur, la Chine change de dimension dans les années 2020. En 2022, elle devient le deuxième exportateur mondial d’automobiles, devançant l’Allemagne, et en 2023, elle surpasse le Japon avec 4,91 millions de véhicules exportés, dont 1,2 million de VEN. Au premier semestre 2024, les exportations chinoises atteignent 2,793 millions de véhicules, en hausse de 31 % par rapport à l’année précédente, générant un chiffre d’affaires de 55,2 milliards de dollars.


Cette percée internationale est portée par des marques comme BYD, Chery, Geely (propriétaire de Volvo et Polestar) et SAIC (propriétaire de MG). Ces constructeurs s’appuient sur des coûts de production réduits, une tarification agressive et des innovations technologiques pour conquérir des marchés aussi divers que l’Europe, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique latine et l’Afrique. En Europe, les parts de marché des marques chinoises devraient doubler d’ici 2030, atteignant 10 % selon Carlos Tavares, PDG de Stellantis.


Le Monde
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Les Clés de la Domination Chinoise


1. Une Maîtrise de la Chaîne de Valeur des Véhicules Électriques


La domination chinoise repose avant tout sur son contrôle de la chaîne de valeur des VEN, en particulier des batteries, qui représentent environ 40 % du coût d’un véhicule électrique. La Chine produit 76 % des batteries lithium-ion mondiales, loin devant l’Europe et les États-Unis (7 % chacun). Des entreprises comme CATL (Contemporary Amperex Technology Co. Limited) et BYD dominent le marché grâce à des investissements massifs en R&D et à un accès privilégié aux matières premières, telles que le lithium, le cobalt et le nickel.

Cette maîtrise s’étend à l’extraction et au raffinage des métaux rares, où la Chine contrôle environ 60 % de la production mondiale. Par exemple, elle raffine 90 % du graphite et 65 % du lithium utilisés dans les batteries. Cette intégration verticale permet aux constructeurs chinois de réduire leurs coûts de production de 35 % par rapport à leurs concurrents européens, rendant leurs véhicules électriques en moyenne 50 % moins chers que ceux produits aux États-Unis.


2. Innovation Technologique et Connectivité


Contrairement à l’image désuète de copies de faible qualité, les constructeurs chinois sont aujourd’hui à la pointe de l’innovation. Ils excellent dans les domaines de la connectivité, de la digitalisation et de la conduite autonome. Les véhicules chinois, comme ceux de Nio, XPeng ou Li Auto, intègrent des systèmes d’infodivertissement avancés, des mises à jour logicielles en temps réel et des interfaces utilisateur intuitives, souvent inspirées des smartphones. « Les Chinois ont réussi quelque chose d’extraordinaire en matière de systèmes digitaux et de connectivité », note Jean-Dominique Senard, président de Renault.

De plus, la Chine investit massivement dans l’intelligence artificielle (IA) et les technologies de conduite autonome. Des entreprises comme Huawei collaborent avec des constructeurs pour développer des systèmes avancés, tandis que Baidu déploie des flottes de robotaxis dans plusieurs villes. Ces avancées technologiques attirent une clientèle jeune et urbaine, en Chine comme à l’étranger.


3. Une Stratégie de Production Agile


Les constructeurs chinois se distinguent par leur agilité. Par exemple, BYD met 24 mois pour passer de la conception à la production de masse d’un modèle, contre 50 mois pour Mercedes-Benz. Cette rapidité est rendue possible par des processus de production optimisés, une main-d’œuvre qualifiée et des chaînes d’approvisionnement locales robustes. Cette agilité permet aux marques chinoises de répondre rapidement aux tendances du marché, comme la demande croissante pour des SUV compacts ou des berlines électriques abordables.


4. Une Tarification Agressive


Le prix reste un atout majeur des constructeurs chinois. Grâce à des coûts de production réduits et à des subventions gouvernementales, leurs véhicules sont souvent 30 à 50 % moins chers que ceux des concurrents occidentaux. Par exemple, la BYD Seagull, une citadine électrique, est vendue à environ 10 000 euros en Chine, un prix inimaginable pour les constructeurs européens. Cette stratégie de tarification agressive attire les consommateurs, notamment en Europe, où le prix est un critère décisif.


Les Défis pour les Constructeurs Occidentaux


1. Une Concurrence Dévastatrice sur le Marché Chinois


Le marché chinois, qui représente 31 millions de véhicules vendus en 2024, est devenu un champ de bataille pour les constructeurs étrangers. Les marques chinoises, qui représentaient 43 % du marché en 2020, en capturent 62 % début 2024. Volkswagen, autrefois leader, voit ses ventes chuter de 8,3 % en 2024, tandis que General Motors et Stellantis peinent à maintenir leurs positions. Cette érosion est due à la préférence des consommateurs chinois pour des véhicules électriques locaux, perçus comme plus modernes et abordables.


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2. La Menace sur les Marchés Traditionnels


À l’international, les constructeurs chinois gagnent du terrain. En Europe, des marques comme MG, BYD et Nio séduisent avec des modèles compétitifs, comme le MG4, un SUV électrique vendu à moins de 30 000 euros. Cette percée inquiète les industriels européens, qui accusent un retard technologique de 15 à 20 ans selon Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile française. Aux États-Unis, bien que les importations chinoises restent marginales en raison de droits de douane de 100 %, des constructeurs comme BYD envisagent des usines au Mexique pour contourner ces barrières.


3. Les Réponses Protectionnistes


Face à cette offensive, les gouvernements occidentaux adoptent des mesures protectionnistes. En octobre 2023, l’Union européenne lance une enquête sur les subventions chinoises, aboutissant à des droits de douane de 30 % sur les véhicules électriques chinois à partir de juillet 2024. Aux États-Unis, Janet Yellen dénonce une « vague de produits chinois bon marché » nuisant aux industries locales. Ces mesures, bien que visant à protéger les constructeurs occidentaux, risquent de freiner l’adoption des véhicules électriques abordables, cruciale pour la transition énergétique.


4. Une Nécessité d’Adaptation


Pour survivre, les constructeurs occidentaux doivent s’adapter. Certains, comme Stellantis et Renault, nouent des partenariats avec des entreprises chinoises pour accéder à leurs technologies. Volkswagen investit massivement en Chine, tandis que Tesla, implantée à Shanghai, bénéficie des mêmes avantages que les constructeurs locaux. Cependant, ces alliances soulèvent des questions de souveraineté industrielle et de dépendance technologique.


IV. Les Enjeux Géopolitiques et Environnementaux


1. Une Nouvelle Guerre Économique


La domination automobile chinoise s’inscrit dans une guerre économique plus large. En contrôlant les batteries et les métaux rares, la Chine détient un levier stratégique sur la transition énergétique mondiale. Cette position inquiète les États-Unis et l’Europe, qui cherchent à réduire leur dépendance à travers des initiatives comme l’Inflation Reduction Act américain ou le Green Deal européen. Cependant, rattraper le retard chinois nécessitera des investissements colossaux et une coordination internationale.


2. Les Limites Environnementales


Si la Chine promeut les véhicules électriques comme une solution écologique, son industrie automobile soulève des paradoxes. La production de batteries repose sur des procédés énergivores, souvent alimentés par des centrales au charbon. De plus, l’extraction des métaux rares entraîne des impacts environnementaux et sociaux, notamment en Afrique et en Amérique latine. Ces contradictions mettent en lumière les défis de concilier croissance industrielle et durabilité.


3. Une Surproduction Inquiétante


Avec 30,26 millions de véhicules produits en 2023, la Chine fait face à une surcapacité de production. Cette situation, exacerbée par des subventions massives, entraîne une guerre des prix « sanglante », selon le PDG de XPeng. De nombreux constructeurs chinois, moins compétitifs, risquent d’être éliminés entre 2025 et 2027, comme le prédit He Xiaopeng. Cette consolidation pourrait renforcer les leaders comme BYD, mais elle pose des risques sociaux, notamment en termes d’emplois.


Perspectives : Une Domination Inéluctable ?


1. Une Industrie en Évolution


La Chine continuera probablement à dominer l’industrie automobile grâce à son avance technologique, ses coûts compétitifs et son marché intérieur colossal. Selon le cabinet AlixPartners, les marques chinoises pourraient représenter un tiers du marché mondial d’ici 2030. Pour maintenir ce leadership, elles devront continuer à innover, diversifier leurs gammes et s’adapter aux réglementations internationales.


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2. Les Réponses des Concurrents


Les constructeurs occidentaux, japonais et coréens n’ont pas dit leur dernier mot. Toyota et Hyundai investissent dans l’hydrogène et les batteries à semi-conducteurs, tandis que l’Europe mise sur des normes environnementales strictes pour regagner du terrain. Cependant, combler l’écart avec la Chine nécessitera une transformation profonde des modèles d’affaires, comme le passage à la vente en ligne ou aux services de mobilité.


3. Un Monde Automobile Redéfini


La domination chinoise marque un tournant dans l’histoire de l’automobile. Autrefois dominée par Detroit, Wolfsburg et Tokyo, l’industrie a désormais son centre de gravité à Pékin et Shanghai. Cette redistribution des cartes redéfinit les équilibres économiques, technologiques et géopolitiques, plaçant la Chine au cœur de la transition vers une mobilité décarbonée.


Conclusion


L’ascension de la Chine dans l’industrie automobile est le fruit d’une stratégie visionnaire, combinant protectionnisme, subventions, innovation et agilité. En moins de quatre décennies, l’Empire du Milieu est passé d’un acteur marginal à une « hyperpuissance » qui inspire désormais les constructeurs occidentaux. Cependant, cette domination soulève des défis majeurs : concurrence déloyale, surproduction, impacts environnementaux et tensions géopolitiques. Alors que le Salon de Shanghai 2025 célèbre cette révolution, une question demeure : les autres nations parviendront-elles à s’adapter à ce nouveau paradigme, ou la Chine redessinera-t-elle seule l’avenir de l’automobile ?

3 Comments

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Guest
Apr 24
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No me ha encantado, ya que los gráficos están extraídos de Le Monde y está en francés y no lo entiendo. Menuda basura de artículo

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Buenas tardes, en Flash Info respetamos a nuestros clientes y por lo tanto pedimos que igualmente, ellos hagan lo mismo. Escribir este tipo de comentarios no es de buen gusto. Si no entiende francés, Flash Info no tiene la culpa y además dispone en nuestra web, principalmente de artículos en castellano. Con respecto a los gráficos, Le Monde nos cedió el permiso para su utilización, y es decisión nuestra el uso que hagamos de ellos. En cualquier caso, agradecemos sus comentarios siempre que tengan otro enfoque.

Cordialmente,

Nicolás Guerrero CEO

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